Troisième histoire - Pour la jouissance posthume des aïeux - Part 22
Sa retraite après quelques stages commence en 1995 et doit durer trois années, trois mois et trois jours. Après quoi, il aurait dû choisir et prononcer des vœux pour une vie monastique ou pour une vie de lama laïque. C'est à la fin de sa retraite et de l'accompagnement que la situation devint dramatique. Serge subira des humiliations et des agressions à caractère sexuel de la part de ce lama aux mœurs libidineuses. Les vœux de chasteté s'oublient dans toutes les religions. Ce lama fut plus tard exclu de la communauté, ayant abusé d’autres retraitants. Serge se retrouva sur le fil du rasoir entre la voie et l’abîme.
Au fil du temps, Maurice, jamais satisfait de ses réussites professionnelles ni de ses réussites personnelles dans le cadre du club service ou au travers des tenues, s’affaira au service de l’associatif sportif et culturel local - il était membre de la fanfare, et du club de foot de Cirey dont il fut président plusieurs années jusqu'à sa disparition - Il vit sa santé péricliter sous le joug de troubles digestifs chroniques et trop variés pour être bien soignés. Une longue maladie qui lui rongea l'estomac et le colon. Certaines choses ne se digèrent pas.
Mais avant que la maladie ne le fasse disparaître du domaine, il multiplia les activités profanes : rencontres et négociations avec le CNSTP/confédération paysanne, au nom du comité local de la fédération viticole pour fonder le BIVB - Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne – ainsi que des engagements quasi-politiques qui lui permirent de ne plus être chez lui et de laisser Roger, le plus vieux de ses fils, prendre en main le domaine. Il savait bien que les aiguilles tournaient vite lui montrant la direction finale. Bientôt, lui, ne serait plus là.
Cependant, il ignorait encore comment dire à son fils que la transmission du domaine devrait se faire plus tard vers l'un des fils de Gilbert s'il n'arrivait pas à avoir un enfant rapidement... tradition et loyauté familiale obligent.
Alors il bougea : engagements dans des actions du district rotarien au profit des étudiants sud-américains voulant découvrir l'Europe et ses cultures, ou installations de dispensaires à Madagascar. Élévation dans la “hiérarchie” symbolique de la loge du G.O.D.F avec multiples interventions, voyages, tenues et participations à des rencontres nationales. Voire internationales car l'influence de la mystique rhénane depuis Strasbourg jusqu'à Lyon avait contaminée la pensée de plusieurs ateliers du G.O.D.F en Bourgogne.
C'est ainsi qu'il aura voyagé - dans plusieurs sens du terme - avec une certaine délectation entre deux rites maçons, l’un tourné vers une mystique chrétienne emprunte d'alchimie et l’autre vers les mystères et la laïcité de son obédience adogmatique.
C'est aussi lors de ces conférences de présentation de l'univers maçonnique organisées par la loge St Jean de Jérusalem à Nancy qu'un des participants retiendra son nom et lui rendra visite quelques années plus tard sur ses terres.
Pour le domaine ce furent des négociations avec les USA et le Japon pour faire connaître sa production et vendre son vin... des déplacements... de longues absences... et l'attente de certains de ses enfants à laquelle il ne répondait pas ou plus. Et sa femme qu'il délaissait sans peine la sachant ou l'imaginant dans les bras d'un autre, peut-être ce Georges...
En revanche, aussitôt que Robert le patriarche toussait ou disait un mot critique, Maurice réagissait par courrier ou téléphone ou en le visitant s'il n'était pas trop loin. Ce que demandait ou exprimait Robert, malgré son grand âge, était sans appel, une voix divine ! La loi du Père ! Lui était le Patriarche ! Maurice n'étant qu'un enfant à ses yeux.
C’était en fait le « second ». En vérité, le premier, Bertrand, l’unique, l’héritier, était décédé au bout de quelques jours une année avant la naissance de Maurice. Il a eu un autre frère, son benjamin, qui avait quitté la Bourgogne dans le cadre de ses études dès qu'il put le faire et dont il n'avait pas de nouvelles – on racontait qu’il était parti aux États-Unis -. D'ailleurs, personne dans la famille n'eut de nouvelles de Jacques, c'était son prénom, le second grand absent de la fratrie. Quant à Roger le petit-fils déjà hyperactif sur le domaine, il semblait invisible aux yeux du patriarche. Le fils du petit était tout aussi insignifiant que les ouvriers du domaine.
Maurice de son côté avait un peu essayé de retrouver la trace de son frère en Floride près de Disneyworld où un frère en vacances lui avait dit être tombé par hasard sur Jacques dirigeant un Motel non loin de l'aéroport d'Orlando. Faisant un détour lors d'une visite commerciale, il s’y était rendu pour s’entendre dire que cela faisait deux mois que Jacques avait quitté le job et le nouveau gérant ne savait pas ce qu'il était devenu.