Troisième flux traumatique - SE FAIRE A SOI-MÊME – Part 25

Yann : « Dans cette troisième branche de la famille, quelque-chose dans la transmission des hommes pour les hommes n'a pas fonctionné ou n'a pas été fait. Maurice (décès par cancer du côlon) est sous la coupe du patriarche Robert (décès par arrêt cardiaque avec cancer de la prostate en développement – mais tous les hommes avançant au très grand âge ont un cancer de la prostate je crois qui ne sera pas, sauf quelquefois, la cause de leur départ-). Il est maintenu dans sa place de petit enfant qui n'a pas pu transmettre symboliquement et directement à son premier fils Roger (Décès par cancer).

J.F T : Transmettre ce qui fait un homme, ce qu'est son pénis, le génie de son sexe comme disait l’amie Dolto, c’est à dire d'où il vient (testicules du père), à quoi il sert en tant qu’être debout, levé (phallus) et la finalité de sa quête. Il a juste laissé les choses se faire, se dérouler à leur rythme naturel. Les enfants savent se débrouiller avec la nature qui les entoure mais sans la parole du père, ou de la mère (peu importe qu’ils soient homme ou femme tant qu’ils sont présents), la construction n'est pas complète. Roger a perdu symboliquement tôt le père et le grand-père. Dans le réel, il les a perdus dans un temps très court. Contraint à prendre en charge la famille, le domaine et relayer la tradition.

-Il faut dire que son petit frère Gilbert étant décédé relativement jeune, il a aussi tuteuré son neveu Alexandre qui deviendra l'héritier, après lui, dans la logique de la succession familiale. C’est lourd à porter. L'autre frère, Serge est devenu moine… il ne compte plus et les femmes étant rejetées de tout rôle important donc de la question de la succession, elles sont oubliées. Mais il a reçu le poids de l’héritage familial tant sur les épaules que dans les reins lui coupant le bassin. Il est impuissant devant son père et son grand-père et après leur départ, il est mis en impuissance devant le défi de reprise du domaine, seul.

-   Quid de l’œdipe donc si les femmes sont absentes, consacrées uniquement à une place de maman « aussi asexuée que la vierge Marie » disait Didier Dumas ou comme sa mère, infidèle... L’Œdipe, ou du moins ce moment d’identification devient impossible, ou compliqué voire déplacé sur l'amant de la mère ? La place au monde différée... Le « Je » est non unifié. Il est amené à une modélisation totale sur le fonctionnement du père en une soumission exemplaire, comme son géniteur, aux besoins de la tradition familiale.  Il est à ce moment mal dans son horizontalité, dans sa ligne du temps brouillée et mal dans sa verticalité, dans son axe. Les structures familiale et parentale sont défaillantes. Elles ne le construisent pas ni ne le nourrissent. Sa manière inconsciente de rompre avec le poids de la tradition familiale est l’absence de filiation. Il s’empêche. Il s’interdit. Il croit n’être pas à la bonne place, pas le bon héritier. Il est le fils du second. Lui partant, quittant le monde, la transmission se décale encore vers un autre second… la tradition qui devrait transmettre d’une manière ordonnancée et rythmée est pervertie. Mais il doit honorer la place.

-   D’accord pourtant, une tradition n’est-elle pas perversion dans son essence même quand elle nie toute créativité de la vie, qu’elle interdit, qu’elle fige, qu’elle freine tous les aménagements de la quête du bonheur qui pourraient être faite sur de nouveaux chemins ?

-En ce sens, une tradition ne fait que discourir sur le message du fantôme, sacraliser une dynamique traumatique toujours vivifiée, qui lui susurre à l’oreille « Il n’y en a qu’un et ce n’est pas toi, honore-le !». Il s’agit dans cette famille de l’évocation du prénom « Robert » ... Roger est obligé intérieurement de rester dans l’ombre de ce prénom, les ancêtres importants l’ayant porté. Mais en lui règne un conflit, une révolte telle que la quête de liberté s’opposant à la loyauté le mène au non-choix amoureux et au refus de la transmission patronymique. Autant qu’elle le conduit à la maladie comme voie de sortie. Un cancer allié de la subversion. »