Seconde histoire - Ma mère cette perverse – Part 16

 

Ils lui vouèrent une haine féroce à la suite de son départ. Ils coupèrent les liens et le reste de la famille suivit, l'abandonnant à son choix.

Des enfants sont arrivés très vite, une fille, Véronique, puis après deux ans une autre, Aline. La vie commençait mais ne décollait pas vraiment vers le pays du bonheur. Raymonde n'arrivait pas à vivre sereinement. Les difficultés matérielles et son absence d'envie de toute forme de plaisir jetaient des ombres permanentes sur les enfants et sur les efforts de Jacques pour animer son foyer.

Raymonde travaillait comme vendeuse chez un caviste, un homme serviable et assez généreux pour la garder malgré son mal-être, son masque peu avenant pour les clients et ses fréquents arrêts maladies. Ces derniers poussèrent Jacques à quitter son emploi dans le bâtiment car il était trop souvent en déplacements pour pouvoir être disponible au sauvetage des conduites suicidaires de son épouse.

Les deux gamines débutèrent leur vie dans cette ambiance avec une mère maniaque et suicidaire, et un père "pompier" mais peu fier de l'être au fil des ans et surtout, frustré de ne plus avoir de femme - une grande misère sexuelle et une pauvreté amoureuse s'étant installées dans le couple -. La précarité fabriquait un quotidien toujours matériellement, aux limites de la pauvreté même pour l'alimentaire ou la vêture. Il n’y avait pas de voyage ni de vacances, mais des voisins et des fêtes chez les uns ou les autres. Les quelques sous du foyer passant dans ces fêtes. Cela durant presque une dizaine d'années.

C'est là que Jacques va s'amouracher d'une collègue de travail, sœur d’un de ces voisins de fête, Clarisse, elle aussi malheureuse en amour avec un mari dépressif sous traitement, et deux enfants dans les mêmes tranches d'âge que les siens. Les enfants s'entendirent bien, allaient dans les mêmes écoles puis le même collège. Entre deux sauvetages de Raymonde, Jacques fût dans le lit de Clarisse.

Les fêtes se suivirent pendant encore sept ou huit ans, les ambiances devenant libidineuses, alcoolisées, bruyantes, les jeunes sont initiés très tôt au bruit, à l'alcool, à la cigarette et poussés beaucoup trop tôt au sexe au nom de leur éducation à la vie pour qu’ils grandissent et quittent vite le foyer. « Oh ! à quatorze ans faut y aller, faut baiser et faire la fête ! Faut aller vivre sa vie ! »  Dit un soir Jacques à sa fille Aline.

Elle l'écouta. Mais son premier jeune amant, pêché dans la cité n'y arrive pas. Elle en changea sans retrouver de véritable amoureux. Un jour elle fut séduite par le copain de sa grande sœur, très déluré, totalement infidèle, perdant sa virginité dans les bras de son beau-frère.

Après dix-huit ans de cette vie, Jacques décida de quitter Raymonde et de partir avec Clarisse ! Ils fuirent ensemble emmenant tous les enfants - ils étaient six -. De Toulouse, la grande famille recomposée va s'établir dans une petite commune de Vendée puis migrer une nouvelle fois près de Valence pour s'établir enfin définitivement au Creusot, ville bourguignonne sous perfusion du paternalisme des Schneider.

Aline et sa sœur ont accepté sans problème - voire avec soulagement - ce départ et cette première migration. Lors de la seconde migration, puis des suivantes, elles emmenèrent dans leurs valises chacune un compagnon agrandissant le clan. Mais cette instabilité aura laissé des traces. Chez tous !

A la suite de leur départ, le mari de Clarisse a augmenté sa consommation d'antidépresseurs… libre de suivre son chemin de déprime autodestructrice sans témoin, il n'avait eu auparavant aucun soutien mais plutôt des témoins jugeant : sa femme et ses deux enfants. Une situation humiliante qui le maintenait dans la noirceur.

Ses enfants coupèrent tous les liens, remettant toutes les fautes familiales sur ses épaules et protégeant ainsi l'honneur de leur mère et son choix de départ.

Raymonde va tenter de retrouver un autre pompier, mais sans vraiment grand succès. Lasse de n'avoir pas les réponses nécessaires à ses besoins existentiels quotidiens, elle loua un samedi une chambre d'hôtel au centre de Toulouse et s'installa tranquillement dans le lit, seule. Elle sera retrouvée le dimanche par une femme de chambre, morte dans son lit, les boîtes du cocktail létal vides sur la table de chevet, ses vêtement pliés et rangés à la perfection et une lettre à l'attention de ses filles où elle les rendit coupable de sa mort en faisant le choix de partir avec leur père. Se sentant abandonnée, elle leur écrivit « puisque vous n'avez plus besoin de moi je m'en vais ! ». Jacques n'eut même pas la décence de garder la lettre secrète, il leur donna, les laissant avec l’accusation. Il ne s'occupa pas de l'enterrement de sa femme non plus. Raymonde fut offerte en cadeau aux bons soins des services communaux. Et il continua sa vie. Décidant de ne plus jamais travailler, ne plus payer ni taxes, ni impôts, ni amendes et de vivre aux frais de la société. Société qui lui "devait bien".