Premier flux traumatique : SUBIR - RECEVOIR DE... Part 14

 

J.F T : « Dans cette famille-là, les femmes sont soumises aux diktats masculins, les pères sont absents, ni homme ni papa, ils n'existent pas, n’ont pas de place, n’en prennent pas, sauf sous la forme de l'ogre Albert l'arrière-grand-père-maternel. La pédophilie incestueuse qu'il prodigue salement à ses petites ne vient pas d'une illumination tardive de sa vie finissante, ni d'une maladie qui l'aurait submergée au grand âge ou précédemment. 

Yann :  Oui, si je tire des fils reliant ce genre d'histoire à d’autres situations cliniques que j’ai pu lire, l'arrière-grand-père peut être lui-même le fruit d'un creuset pathologique antérieur, d'une trajectoire de vie et/ou de lignées abîmées. Cela me fait penser à un trouble de place que je connais, entre un aîné idéalisé par exemple et une cadette adorée qui meurent tous les deux, plus un père absent et une mère in-intéressée, matriarche autoritaire... non-maman et non femme.

-   Voilant la femme dépressive certainement. Il peut s’agir aussi et c’est plutôt le cas dans cette histoire, d’un enfant abandonné (orphelin de père et abandonné par sa mère à cinq ans) durant trois années à la suite de la mort de son père au front (premier conflit mondial) et de la dépression de sa mère. Il est recueilli et élevé par une grand-mère et une tante Alice dans des conditions difficiles. On trouve une fixation préœdipienne et des carences affectives, la peur de la mort… Cela peut faire une explication pour le trouble de place avec un impossible moment œdipien structurant. Mais cela n'éclaire pas ce qui détermine le passage à l'acte sur les filles des trois générations successives. Une régression au stade infantile de la période œdipienne avec désir de partage existentiel peut commencer à éclairer ces actes. Pour la fin de vie, à l'approche de la mort, en ayant perdu toute raison de vivre (femme, activité, place sociale, respect relationnel filial) il peut lui être tentant de se dissoudre dans une enfance artificielle momentanée afin de repousser l’Ankou, où malheureusement la fonction plaisir de la sexualité va se mélanger avec la fonction animale reproductrice. Bloquées dans l'infantile, ne sachant pas faire la part des choses (il n’a pas appris l’interdit de l’inceste), il laisse libre ses pulsions s’exprimer. Elles sont neutres et n'ont pas de morale, elles agissent sur Manon et Laure. Mais il a abusé de sa fille et de sa petite fille avant... 

-  Donc le nid du fantôme serait au-dessus d'Albert, chez ses ascendants. Nous sommes à la limite, théorique, de l'investigation du génogramme (4 générations) là !

-   Eh oui, une limite… avant d'entreprendre un autre voyage plus laborieux, allégorique, symbolique et mystérieux. Le génosociogramme qui s'étend à sept voire neuf générations... Poses-toi la question : Qu'est-ce que l'enfant Albert a reçu comme bagage transgénérationnel enveloppé dans le non-interdit de l'inceste ?

-  Sa tante Alice je sais, a été abusée elle-même par le grand-père Robert-François. Le message du fantôme pourrait-être : « les hommes se servent. »

-   Pas mal, on pourrait dire ça. Lorette est restée longtemps en souffrance parce qu'elle est auteur et victime, qu'elle regarde uniquement la lignée d'Albert, alors que quatre lignées peuvent être à l’œuvre dans un traumatisme qu'il convient toutes d'observer pour comprendre et nettoyer son arbre. Tandis que ses filles, elles, seront libérées du fantôme Albert et peut-être d'autres car les femmes ont parlé. Une transmission a été dévoilée, pas la plus vertueuse certes mais la plus « tueuse » humainement. Ce qui n’est pas dit ici, mais accessible sur le grand arbre familial des Vireley, c’est que l'épicentre de la dynamique fantôme est la matriarche Marie-Alice, la Grand-mère d'Albert. Lui n'en est qu'une de ces expressions. Qu'est-ce que la matriarche dit aux femmes qui l’environnent et la suivent ? Quelle est la sombre transmission ?

-  Servir à l’homme en premier, plus que le servir j’imagine mais elle y associe une autre croyance définitive : « la femme ne peut aimer ni être aimée, elle sert ! ».

-   Oui, enfant, Albert est fils unique, sans père, avec une mère absente trop longtemps, qui est, elle, le fruit d'une relation sans amour, sans accompagnement parental, succédant à un petit frère mort à deux ans. Orphelin vivant avec des femmes abusées, il n’a pas construit sa place d’homme et revient constamment dans le confort de la petite enfance mais dans son corps d’homme génitalisé. Ce qui s’exprime alors dans une paraphilie insoignable.

-   Pourquoi insoignable ? 

-   Parce qu’il s’intéresse aux prépubères, aux petits. Ces pédophiles sont dans le déni de leurs actes parce qu’ils sont eux-mêmes fixés dans un schéma pervers. En sortir les ferait décompenser, imploser, crever… impossible alors ils ne bougent pas et « les hommes se servent ». Quant à Lorette, elle est l’objet qui subit, reçoit l’injonction de nourrir l’ogre parce qu’elle « ne peut aimer ni être aimée, elle sert ! »