Quatrième flux traumatique - OBSERVER UN ACTING – Part 32
J.F T : « La question dans cette histoire Yann c’est : Comment se construire en tant que fille quand on vit dans une bulle maltraitante plutôt incestuelle ? Il n'y a pas de violences directes, pas de traces, pas de possibilité d'être « sauvée » par l'extérieur. Si les copines de classe ne sont pas informées de ce que font les parents avec leur sexe, Alexandra elle, cependant le sait très bien depuis toute petite et sa copine Joellise aussi.
Yann : « Evidemment, elle l'a observée, vu, entendu et subi, ne serait-ce que par cette phrase assassine de son père « tu as une belle bouche à pipe », quand elle avait douze ans. Et puis il semble qu’elle a d’une certaine manière subi les violences sexuelles faites à sa mère.
Le père est malade, alcoolique et dépressif profond, chronique. La mère est soumise et éteinte. Ces deux ingrédients n’obligent pas à de la violence sexuelle, quand bien même ils y contribuent fortement. Ils n’entraînent pas non plus automatiquement de l’incestuel ou de l’inceste (la phrase du père est assez crasse). Si l’enfant petit, avant cinq ans, est témoin (visuel ou auditif), par identification, il vit ce que vit le parent agressé, violé, abusé. Il le prend pour lui, le vit dans son corps dans sa chair, dans son âme et son esprit. Son cortex identifie et range l’information comme mémoire traumatique à isoler.
- C’est ça qu’Alex a vécu ? Elle a tout enregistré pour elle comme un message, la concernant directement. Elle a compris les messages venant depuis les hommes, un premier fantôme, quelque chose comme « ma femme m’appartient totalement, je fais ce que je veux ! », et depuis les femmes, un second fantôme « ne dit rien ». Mais l’homosexualité, elle vient faire quoi ici ?
Son homosexualité est peut-être naturelle, primaire, essentielle et il n’y a rien à en discuter. Comme elle peut être secondaire à la bulle traumatique et aux agressions sexuelles indirectes. Elle permet d'être objectivement rejetée par ce qui se faisait entre parents et de se tourner sur sa ligne du temps dans une autre direction, son bon sens, c’est à dire vers l'avant pour soi. C'est vraisemblable et n'enlève rien à la qualité future de sa trajectoire de vie amoureuse et sexuelle. Si elle a réussi à refouler, le mal se raconte par ses cauchemars qui règnent sur ses nuits, qui lui racontent encore et encore ce qui l'a environnée petite. Le premier cauchemar fait penser à une agression directe, une intrusion cataclysmique sur la ligne de vie. Le second pourrait bien raconter les méandres dans lesquelles elle a dû déambuler durant sa construction d'enfant et en sortir par le feu… un phœnix.
Comme l’eau, le feu purifie n’est-ce pas ? Mais du coup ce n’est pas lié à la terre mère ou à l’océan originel mais au ciel, au père… qui met le feu. Un mur de feu qu’il faut oser traverser pour en être libre. Ce n’est pas revivre dans le sens de refaire n’est-ce pas ? C’est bien rencontrer et connaître dans le sens de savoir.
Pour le second, on peut dire cela en effet avec en plus cette idée qu’il faille monter pour s’en sortir. Dans les générations, c’est l’escalier dans le noir qu’elle monte qui dit ça. L’idée ici est que le mal n’est pas niché que dans le sexe de son père… et le troisième cauchemar semble évoquer des ébats charnels des parents ou un acte dirigé vers ou sur elle ? L'intégration de la sexualité ne se fait jamais par l'abus, qu’il soit sur stimulation ou carence. Ses parents sont passés de créateurs à « salopeurs ». Ce qui lui a été donné à sentir, entendre et voir la maintient dans une sexualité de toute petite fille, de bébé presque, où tout doit se passer hors de la bulle. Elle fusionne amoureusement avec une autre elle-même, qui a aussi vécu des maltraitances, et ne sera pas « pénétrable » (vaginisme). La question abordée ultérieurement de la maternité n'est pas simple car il lui faudrait accepter quelque-chose au dedans de son ventre et d'être elle-même cette déesse créatrice de vie.
Compliqué sans le modèle maternel pour donner la vie. Et plus encore en rejetant le lieu-objet concepteur-paternel, le pénis. Compliqué dans la non-connaissance de son corps et le dégoût du corps de l'autre sexe.
Mais possible car la pénétration n’est pas une obligation ni pour le plaisir ni pour la conception. En hétérosexualité comme en homosexualité ou encore en non binaire.
Et pour la maltraitance ?
La maltraitance, les Violences Educatives Ordinaires ne s’inventent pas, elles ne se décrètent pas, elles s’imposent à certains parents comme « le » chemin éducatif le plus naturel. Parce que cela leur a été transmis. Ils les ont vécus et comme une évidence, ils répètent cette manière éducative-là (tradition encore). « On a toujours fait comme ça ! J’ai bien eu des fessées, je n’en suis pas mort, ça ne va pas lui faire de mal et au moins elle ne recommencera pas ! C’est pour ton bien ! » (Violences et humiliations).
Alors ici, Monsieur Theud, qu’elle pourrait être le message du fantôme que tente d’éviter de reproduire Alexandra ?
Des siècles de soumission avec un « La femme et l’enfant appartiennent au désir de l’homme ». Injonction dont on ne peut sortir qu’en se confrontant aux diktats des mâles de nos lignées ainsi qu’aux soumissions des lignées des femmes.
Etonnamment alors, c’est la seule de sa génération à avoir désiré confronter le clan Vireley et en finir avec la tradition hétéro-patriarcale du domaine et de la famille. Tous les autres sont restés dans l’ombre et l’ont rejointe une fois qu’elle a eu mis le feu au système.
Rien de surprenant à cela puisqu’elle a fait ce cauchemar d’embrasement durant des décennies. Une fois les trajectoires clarifiées par vous, généanautes, le phœnix a pu prendre son envol plutôt que de retomber et reprendre le cycle à zéro. Ça a fait sens pour elle, sa pulsion de vie a repris un chemin et dans sa foulée elle a pu entraîner les autres qui auront chacun à comprendre ce qu’ils portent et à s’en libérer, à leur manière.
Alors si je reprends les différents fantômes très loquaces dans ces quatre histoires de famille :
Les hommes se servent
La femme ne peut pas aimer ni être aimée, elle sert
Souffre et tue-moi je me hais
Il n’y en a qu’un, ce n’est pas toi. Honore-le
La femme et l’enfant appartiennent au désir de l’homme…
Le mal tourne beaucoup autour de maltraitances sexuelles d’hommes sur les femmes, sur les enfants et du pouvoir…
Et d’argent, de spoliation qu’elle qu’en soit la manière, de tous au profit d’un seul mâle à chaque génération. De crimes au nom de traditions qui ne sont que des répétitions traumatiques. Et oui tu as raison de pointer le mal sur les violences faites aux enfants à chaque génération. Même si nous remettons dans leurs époques et dans leurs contextes
les différents protagonistes de cette épopée familiale, il y a des abus indignes chez ces femmes et ces hommes, réalisés sous le joug de transmissions familiales inconscientes et folles. Nous savons que la violence se transmet, de génération en génération, et que tout ce qui est fait à un enfant est répété… transmis par un des quatre flux.
Des transmissions follement violentes ; c’est bien comme cela qu’on les avait analysés la première fois.
Enfin surtout n’oublie pas que ces messages sont les nôtres, ceux que l’on a senti depuis notre place ici et maintenant. Ce n’est pas la vérité vraie. Il convient à chacun de trouver sa formulation du message des anciens, de dévoiler les fantômes en soi.
Depuis un moment votre évocation me renvoie ailleurs, aux sources de mon fleuve. Je vois les tracés originels, hume l’essence des êtres, entends clairement les messages des abusés, savoure les transmissions partagées et ressens finalement beaucoup d’humilité et d’amour face à mon fleuve… au pieds de mon arbre. Merci et à bientôt Monsieur Theud. »
Je suis de nouveau seul dans la pièce. Enfin pas vraiment si j’écoute en moi la résonnance de la mémoire familiale. Serge est bien au chaud à sa place et Mon psy a repris la sienne. Il fait partie de ma mémoire familiale imaginaire, en est une ressource. L’arbre imaginaire est tout aussi puissant dans sa symbolique et dans sa transmission que l’arbre transgénérationnel. Il est aussi vivant que le réel.