Première histoire - Et mon gentil grand-père devint une bouse Part 05
“C'est une histoire de succession, de répétition générationnelle d'agressions sexuelles incestueuses dans l'enfance, occultée par le déni, jusqu'au jour où la victime devenue maman place ses enfants entre les mains de son grand-parent-bourreau qui les agressera à leur tour.” J.F Theud
1987 – Pleine campagne de la grande périphérie parisienne près de Bonnelles, petit village des Yvelines, au sein du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse. Lorette V. – vingt-neuf ans - est Aide-Soignante dans la maison de retraite de Bonnelles où elle travaille à temps plein depuis que ses deux petites filles, Laure et Manon sont scolarisées.
Son mari, Georges G. est commercial pour la brasserie de la vallée de Chevreuse - créée par un ancien viticulteur -. Il s'échappe fréquemment de la maison, durant quelques jours pour le travail. La famille vit dans une petite maison, un pavillon récent, forcément sans âme ni originalité. C'est un lieu fonctionnel avant tout. Leur maison disparaîtra bien avant que celle des anciens - les parents de Lorette - ne se délite. Georges n'a plus de parents, décédés et pas de frère ni de sœur
Lorette s'est retrouvée maman très jeune, à dix-neuf ans. Elle le retrouvait fréquemment, lui son Georges, le soir, dans le “temple de l’amour” de l’étang de Bonnelles. Ses parents n'avaient rien vu ou rien voulu voir et surtout, ils n'avaient rien dit. D'aucun aurait pu penser au fameux « accident » qui conduit quelquefois à la misère ou à l'avortement. Mais cette première petite, tout comme la seconde, était voulue et attendue. Pas tant pour donner tort à ces mauvaises langues du village et des hameaux voisins que pour quitter le giron familial avec plus de facilité. La grossesse lui donnait des certitudes quant à son avenir avec Georges qu'elle aimait de tendresse souvent et de passion parfois. Georges était à ce moment encore amoureux et svelte, sportif, séduisant et curieux d'elle. Plus vieux qu'elle de sept ans, il était fier et faisait office de locomotive du jeune couple en construction.
Aujourd'hui, dix années plus tard, c'était devenu un "balourd", tant physiquement que mentalement. Il préférait goûter les bières et les vins avec les clients ou futurs clients, sur la route et dans les hôtels plutôt qu'être dans son foyer. Elle se doutait bien aujourd'hui que les hôtels ne le laissaient pas seul dans sa chambre. Sûrement les premiers temps elle le pensa fidèle, puis... le maudit proverbe dit "une femme dans chaque port". Les tournées étaient cycliques donc identiques d'une saison à l'autre. Elle soupçonnait bien la présence de maîtresses ou de prostituées. Mais figée dans sa double vie de mère et de travailleuse, elle fermait les yeux, ne cherchait pas trop querelle à ce sujet et essayait surtout de ne pas penser. Finalement, tant qu'il ne ramenait pas une saloperie de maladie et ne cherchait pas trop le « devoir conjugal », la vie allait bien. Son corps à elle était calme, il ne demandait rien de plus. Il était satisfait de ses deux maternités. Pas besoin de cette chose qu'on nomme "libido".
Peut-être un jour, elle en rêvait parfois, les gendarmes viendraient lui annoncer un accident de voiture sous emprise d'alcool. Elle serait libre...
Lundi 5 avril 1987, Lorette, pour la première fois depuis qu'elle travaille dans la maison de retraite, n'a pas pu avoir de congés pour la période de petites vacances scolaires approchantes. Elle n'a pas d'autre choix que de demander à ses parents, habitant la ville de Limours toute proche, à trois kilomètres, de bien vouloir accueillir Laure et Manon, à la journée, durant ces deux semaines. Elle ne leur laisse jamais les enfants préférant s’en occuper. C’est elle la maman.